Combien de Sauveteurs Secouristes du Travail faut-il dans une entreprise ?
La sécurité des salariés est au cœur des responsabilités de tout employeur. Au-delà des mesures de prévention collective et des équipements de protection individuelle, la capacité à réagir efficacement en cas d'accident est un maillon essentiel de cette chaîne de sécurité. C'est ici qu'intervient le Sauveteur Secouriste du Travail (SST), un salarié formé pour porter les premiers secours et agir en attendant l'arrivée des services d'urgence.
Si la nécessité d'avoir des secouristes en interne semble évidente, une question demeure pour de nombreux dirigeants, responsables RH et membres du CSE : combien de SST faut-il réellement former ? S'agit-il d'une obligation chiffrée, d'un pourcentage de l'effectif ou d'une simple recommandation ?
La réponse est nuancée. Elle se situe à la croisée du droit, des recommandations des organismes de prévention et, surtout, d'une analyse pragmatique des risques propres à votre entreprise. Cet article a pour but de vous donner toutes les clés pour dimensionner un dispositif de secours non seulement conforme, mais surtout, réellement efficace.
Ce que dit la loi : une obligation minimale ciblée
Le point de départ est le Code du Travail. Contrairement à une idée reçue, il n'impose pas un pourcentage fixe de SST pour toutes les entreprises. La loi établit un socle minimal, une obligation de base ciblée sur les environnements les plus à risque.
L'article R4224-15 est le texte de référence. Il rend obligatoire la présence d'au moins un membre du personnel ayant reçu la formation de secouriste dans deux cas précis :
- Dans chaque atelier où sont accomplis des travaux dangereux.
- Sur chaque chantier employant vingt travailleurs au moins pendant plus de quinze jours, où sont également réalisés des travaux dangereux.
La notion de "travaux dangereux" est cruciale. Elle est définie par l'employeur lui-même, en concertation avec le médecin du travail, et doit être consignée dans le Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Il peut s'agir de travaux exposant à des risques chimiques, électriques, de chutes, etc.
Cette obligation légale est donc un minimum absolu. Elle garantit une présence secouriste là où la probabilité d'accident est la plus élevée. Cependant, se contenter de ce strict minimum est souvent insuffisant pour assurer une couverture sécuritaire complète. Que se passe-t-il si l'unique SST est absent, en congés, ou lui-même impliqué dans l'accident ?
Les recommandations des experts : viser une couverture optimale
Conscients des limites de l'obligation légale, les organismes de prévention, comme l'INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) et l'Assurance Maladie, ont établi des recommandations de bon sens pour guider les entreprises. Ces préconisations visent à garantir une organisation des secours efficace en toutes circonstances.
Les experts recommandent de viser un effectif de 10 à 15% de salariés formés au SST.
Ce ratio n'est pas un chiffre arbitraire. Il a pour objectif d'assurer une présence permanente et une intervention rapide. L'objectif ultime est qu'un secouriste puisse être auprès d'une victime en moins de 3 minutes, un délai crucial en cas d'hémorragie grave ou d'arrêt cardiaque.
Pour atteindre cet objectif, il ne suffit pas de former 10% de l'effectif global. Il faut raisonner en termes de couverture effective :
- Assurer la présence d'au moins un SST en permanence sur chaque site durant les heures de travail.
- Adapter le nombre de SST à la configuration des lieux : une entreprise répartie sur plusieurs étages ou bâtiments distants nécessitera plus de secouristes qu'une PME regroupée dans un seul open-space.
- Prendre en compte l'organisation du travail : les équipes de nuit, les astreintes, le travail isolé ou les déplacements fréquents sont des facteurs qui exigent une réflexion spécifique sur la répartition des SST.
Au-delà des chiffres : une analyse pragmatique de vos propres risques
Le nombre idéal de SST pour votre entreprise ne se trouve ni dans la loi, ni dans une recommandation générale, mais dans votre propre analyse de risques. Votre DUERP est votre meilleur outil pour dimensionner votre dispositif de secours.
Posez-vous les bonnes questions :
- Quels sont vos risques principaux ? Une entreprise de logistique avec un risque élevé de heurts avec des engins de manutention n'aura pas les mêmes besoins qu'une agence de communication.
- Quelle est la gravité potentielle des accidents ? Des risques de coupures légères n'impliquent pas la même organisation que des risques d'électrisation ou de chutes de hauteur.
- Quelle est la facilité d'accès des secours externes ? Une entreprise située en zone rurale, loin d'un centre de secours, aura tout intérêt à renforcer ses compétences internes.
Le rôle du SST ne se limite pas à l'intervention post-accident. La formation sauveteur secouriste du travail lui donne également des compétences en matière de prévention. Un maillage dense de SST dans votre entreprise, ce sont autant de "capteurs" sur le terrain, capables d'identifier des situations dangereuses et de faire remonter des informations précieuses pour améliorer continuellement votre politique de prévention.
Les bénéfices concrets d'un dispositif SST bien dimensionné
Investir dans la formation d'un nombre suffisant de SST n'est pas un coût, mais un investissement stratégique qui apporte des bénéfices concrets :
- Une réactivité qui sauve des vies : En cas d'arrêt cardiaque, les chances de survie diminuent de 10% chaque minute. La présence immédiate d'un SST qui sait pratiquer un massage cardiaque et utiliser un défibrillateur peut tout changer.
- Une diminution de la gravité des accidents : Un SST qui sait stopper une hémorragie ou mettre une victime en Position Latérale de Sécurité (PLS) évite l'aggravation de l'état de la victime avant l'arrivée des secours.
- Une culture de sécurité renforcée : La présence visible de secouristes formés et équipés a un effet rassurant sur l'ensemble du personnel. Elle matérialise l'engagement de l'entreprise pour la sécurité de tous et encourage les comportements prudents.
- Une meilleure conformité légale et une responsabilité mieux maîtrisée : En cas d'accident grave, l'entreprise pourra démontrer qu'elle a mis en place une organisation des secours sérieuse et adaptée, un point essentiel pour sa défense.
En conclusion, la question n'est pas tant "combien de SST dois-je former pour être en règle ?", mais plutôt "combien de SST sont nécessaires pour que mes salariés soient réellement et efficacement protégés ?". En partant de l'obligation légale, en visant les recommandations des experts et, surtout, en adaptant le dispositif à votre réalité opérationnelle, vous construirez une chaîne de secours interne robuste, qui protège ce que votre entreprise a de plus précieux : son capital humain.